Manifestions contre la loi 2 en Gaspésie
                                      GASPÉ – À l’instar d’autres régions du Québec, des médecins et des citoyens de la Gaspésie ont participé à un mouvement provincial samedi pour dénoncer la Loi 2 réformant le mode de rémunération des médecins.
La colère reste perceptible après l’adoption sous bâillon de la loi spéciale le 21 octobre.
À Gaspé, une quarantaine de personne dont une vingtaine de médecins des régions de Gaspé et Chandler se sont rendus devant les bureaux du député de Gaspé, Stéphane Sainte-Croix.
Ils étaient quelque 70 devant ceux de la députée de Bonaventure, Catherine Blouin.
« On manifeste pour le droit des patients. Dans le projet de Loi 2, ce qui nous horrifie, c’est tout ce que les patients vont perdre. De voir des patients en 10 minutes, c’est impossible. Moi, je veux prendre mon temps avec mes patients. Je veux avoir au moins une demi-heure pour les connaître, connaître leurs familles. Par la suite, ça m’aide dans les rendez-vous subséquents », lance la médecin au Groupe de médecine familiale de Gaspé et qui œuvre à l’urgence de l’hôpital de Gaspé, la Dre Marie-Viktore Saint-Yves Cotton.
Le manque de ressources comme des travailleurs sociaux, infirmières, de secrétaires ou de professionnels de la santé est aussi dénoncé.
« On a besoin d’avoir plus de ressources, plus d’aide. Pas d’avoir plus de débit », lance-t-elle.
La classification par couleur – vert, jaune, orange, rouge – est aussi une problématique.
« Si un jeune arrive avec un symptôme dépressif ou une personne avec un problème particulier, ils ont besoin d’avoir du temps. On ne peut pas les coter dans un code de couleur qui ne tient pas compte de toutes les problématiques diverses dans le système de la santé », tonne la médecin.
Elle ajoute que ceux qui ont conçu le code n’ont aucune connaissance en médecine.
« Ils ont mis dans la catégorie orange les convulsions et le tunnel carpien qui sont deux problématiques d’urgence complètement différents. Ils sont mis dans la même catégorie. Le tunnel carpien va être priorisé au-dessus des femmes enceintes avec des complications, les nouveau-nés. Eux, ils sont cotés vert. Ce que ça enlève au service obstétrical, c’est horrible », s’emporte la docteure.
Un patient qui serait catégorisé vert et qui n’a pas encore de médecin de famille pourrait avoir beaucoup de difficultés à être pris en charge.
« À Gaspé, le système va bien. Ailleurs, ils ne seront jamais capables d’être pris en charge. S’ils sont verts, ils n’auront jamais de suivi », dit-elle alors que le nombre de médecins est en diminution en Haute-Gaspésie, la Baie-des-Chaleurs et dans Rocher-Percé, selon ce qu’indiquait récemment le CISSS de la Gaspésie.
Elle ne peut évoquer si des médecins quitteront la Gaspésie pour pratiquer au Nouveau-Brunswick.
Cependant, certains seraient en réflexion.
« Tout le monde à qui j’ai parlé a des plans dans leur tête. Personne ne gardera le statu quo. Tout le monde va essayer de changer un petit quelque chose dans leur pratique. Essayer d’augmenter un peu les délais. Peut-être quitter la région. On va perdre des gros gros morceaux si le projet de loi est appliqué tel qu’il est actuellement », avance la docteur Saint-Yves Cotton.
Par hasard, le député de Gaspé, Stéphane Sainte-Croix, s’est pointé lui qui se rendait à l’inauguration du bâtiment de l’organisme Demeure Toi à proximité.
« On a commenté par lui dire qu’on était très déçu d’avoir trouvé son nom dans la liste des noms de ceux qui ont voté pour le projet de loi. On est une région qui actuellement va très bien pour la prise en charge médicale où il n’y a peu de patients en attente, où il y a des mécanismes d’accès. Qu’il ait voté pour ce projet de loi qui met tout le monde dans le même bateau, on trouvait que c’était obscène. On lui a dit qu’on était très déçu de sa participation. Il n’a répondu à aucune de nos préoccupations », tonne la médecin.
Le député comprend
Appelé à commenter le rassemblement des médecins et citoyens, Stéphane Sainte-Croix indique avoir pris le temps de les écouter.
« On est en mesure de comprendre qu’il y a des gens qui ne sont pas satisfaits. Notre ministre [de la Santé, Christian Dubé] est à l’écoute. Il rencontre les associations. On travaille à faire comprendre les enjeux du projet de loi pour la population aussi. Le dialogue va se continuer et on va arriver à une meilleure compréhension de part et d’autre pour faire en sorte de faciliter l’accès des Québécois au système de santé », commente l’élu.
Il exprime certaines craintes de voir des médecins gaspésiens traverser le pont J.C. Van Horne reliant la Gaspésie au Nouveau-Brunswick, à Pointe-à-la-Croix.
« C’est quelque chose qui pourrait arriver. Cela dit, je demeure convaincu que nos médecins vont se rallier au projet de loi 2. Je demeure convaincu que la pratique de la médecine au Québec est intéressante. On compte sur nos médecins dans nos communautés pour traverser cette étape et aller de l’avant », commente M. Sainte-Croix.
À la suite de l’adoption du projet de loi, le Collège des médecins et chirurgiens du Nouveau-Brunswick a fait savoir que normalement, il reçoit de trois à quatre demandes de permis par mois de la part de médecins du Québec.
« Le nombre de demandes de permis que nous avons reçues ce mois-ci de médecins québécois évolue chaque jour et se situe maintenant près de 40 », expliquait la Dre Laurie Potter, registraire et directrice générale du Collège des médecins et chirurgiens du Nouveau-Brunswick, questionnée par Le Soir sur cet enjeu le 27 octobre.
                
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